Dommage qu’elle soit une putain

Crédit photo : Marion Tourné.

Dommage qu’elle soit une putain

(‘Tis pity she’s a whore)

John Ford

« Aime-moi ou tue-moi, mon frère. »

Parme. Dans une société catholique très codifiée. Le riche Florio aimerait marier ses enfants. Cependant sa fille – la très convoitée Annabella – semble se désintéresser de ses prétendants, et son fils – le très brillant Giovanni – se montre de plus en plus solitaire et taciturne… Et tout autour, les intrigues vont bon train. Tandis que les prétendants commencent plus ou moins à se battre, la riche Donada désespère elle aussi de marier son drôle d’héritier Bergetto. Richardetto veut quant à lui se venger d’Hippolita qui elle veut se venger de Soranzo, tous trois liés par une sombre histoire. Mais le valet Vasques veille au grain…

Note d’intention de la metteure en scène : 1633. Quelques dizaines d’années après Shakespeare et au temps du théâtre élisabéthain finissant, John Ford reprend à bras le corps le mythe de Roméo & Juliette, interrogeant à son tour la problématique de l’amour interdit et ‘‘scandaleux’’ – mais au sein même des liens du sang cette fois – tout en questionnant aussi la société qui le porte et le condamne. Au beau milieu de rivalités dévorantes et de sournoises manigances, de combats intérieurs déchirants et de petits arrangements avec sa propre conscience… s’affrontent alors ces ‘‘forces contraires : celle de la loi humaine et religieuse horrifiée devant l’inceste, tentant de fuir et de repousser l’interdit, et celle de l’amour charnel puissant et absolu d’un frère et d’une sœur’’ (A. Santi, La Terrasse). Amour d’autant plus ‘‘charnel’’, ‘‘puissant et absolu’’ qu’au-delà du vif intérêt des dramaturges élisabéthains pour la violence et la force des sentiments – jusqu’à la submersion voire la subversion -, l’inceste fraternel peut aussi s’interpréter ici comme une recherche inconsciente éperdue et désespérée du lien originel avec la mère absente. Par ailleurs, ce qui ne manque pas de retenir l’attention est que chaque intrigue ‘‘secondaire’’ recèle également son lot de complexité et d’ambivalence, ainsi que les personnages qui les vivent… Notre volonté avec le traducteur était de révéler l’essence de ce texte et de sa respiration dans la traduction, sans trop l’ancrer dans une époque particulière. J’ai voulu faire vivre sur scène cette pièce en essayant de la rapprocher le plus possible du public, tout en cherchant à maintenir ensemble sa datation et sa modernité, sa tragédie et son rire, sa beauté et sa noirceur, son scandale et sa pureté. Porter le sens radical de ce texte étonnamment riche ; rendre le souffle puissant du théâtre élisabéthain et de ses codes tout en le mêlant à un univers plus contemporain, pluri-artistique et parfois décalé ; incarner ces personnages humains dans toute leur lumière et dans toute leur ombre, tous autant qu’ils sont… Voilà ce qui a guidé mon travail avec les comédiens. Ni condamner ni sauver tel ou tel personnage, juste jouer ce texte kaléidoscopique, raconter cette histoire bouleversée et bouleversante au public… Et le laisser libre de recevoir cela comme il pourra ou voudra bien l’entendre.

Texte : John Ford dans la traduction d’Antoine Bouvet

Adaptation & Mise en scène : Annabelle Gaspard

Avec : David Bonhomme (Le Moine/Le Cardinal), Sébastien Boudon (Giovanni), Nicolas Cerisuela (Richardetto), Stéphane De Santis (Florio), Magali Devance (Bergetto/Hippolita),  Hélène Duhesme (Putana /Ame/Philotis), Marion Gaillard (Grimaldi/Donada), Annabelle Gaspard (Annabella), Nicolas Guépin (Vasques),  Karim Riahi (Soranzo)

Scénographie : Myrtille Lévêque – Création lumière : Nicolas Guépin – Création pianistique : Hélène Duhesme


Dates de représentations :

Du mercredi 30 mai au samedi 2 juin 2018 au théâtre du Gai Savoir, Lyon.

Du vendredi 5 au dimanche 7 octobre 2018 au théâtre du Gai Savoir, Lyon.


  • Lien vers l’émission « Spectaculaire » de Radio Canut :